“Les morts se
nourrissent du souvenir que leur adressent les vivants et ils
s'évanouissent à jamais dès que le dernier vivant
leur a consacré sa dernière pensée”, a
écrit Michel Tournier dans Éléazar ou la source et
le buisson.
Évanouis, semblait-il à jamais, tel
était le sort de tous les morts évoqués dans le
présent ouvrage, jusqu'à ce que leurs descendants
retrouvent de vieux papiers sur lesquels apparaissaient des noms, rien
d'autre que des noms. Et peu à peu, grâce au travail de
Miton Gossare, qui n'aime rien tant qu'ausculter les archives, ces noms
ont repris chair et ces morts « évanouis » sont
redevenus vivants. Voilà donc toute la vie d'un village du
Lot-et-Garonne qui se reconstitue sous nos yeux dans ses moindres
détails. Son histoire, trois siècles durant, peut
témoigner d'événements qui, de ruptures en
continuités, étaient le quotidien d'un monde paysan.
Les poèmes de Jean-Paul Blot qui ponctuent le
récit historique relèvent d'une tout autre
démarche. Pour lui, l'un des nombreux descendants des morts
« évanouis », il ne s'agit pas d'analyse objective
de documents, mais bien de renouer, grâce à
l'écriture, des liens avec les disparus, de les nourrir à
nouveau non du souvenir, mais de l'imagination. Il est « de la
famille », il est pétri de ce « paysage » :
telle fontaine, il la connaît, tel lopin de terre, il l'a vu
labourer par son père et son propre frère le laboure
encore aujourd'hui...
Deux approches, deux voix,
qui font l'originalité de Sous les feux de la mémoire.