« Une odeur de moût », « l’odeur des
vendanges dans le Chianti » : un signal capiteux qui fait
basculer l’ordre des mots, des temps et des espaces, une ivresse
irrésistible qui, de sa seule bulle de senteurs, suffit à
engendrer la vérité vraie de la Création, au
cœur même de l’écriture. La Chronique,
divertissement ou canular de romancier, s’installe dès
l’abord dans le néant d’où surgissent les
personnages de La Festa, et, donc, de tous les autres romans, pour en
retrousser, selon un terme cher à Lafont, le sens. Elle devient
ainsi, « pour rire » (mais jusqu’à quel point
?...), la boîte noire de l’écrivain, aux prises avec
ses obsessions et ses penchants. Et, dans cette boîte noire,
traversant l’éternité de leur incomplétude
temporelle et pour ainsi dire constitutive, des personnages ; ou, plus
justement, des visages, « l’épaisseur des visages
». Mais « les ovales des visages sont vides » :
emplis de leur poids de ténèbres et de clartés
à naître. Emportés non pas vers, mais depuis cette
brisure dans l’être des choses et vies que constitue
l’invention majeure de Giampiero le peintre : « non le
point oculaire, mais le point de vertige ».
Philippe Gardy.