Arnaut Daniel


Fin'amor et folie du verbe

L’auteur

Extrait de l'introduction de Pierre Bec

    On ne sait pas grand-chose sur le personnage historique d’Arnaut Daniel. D’après sa vida, il était originaire de Ribérac (Dordogne), aux confins de la langue d’oc, d’un chastel qui a nom Ribairac. Il était lettré (et amparet letras), mais il se fit jongleur : sans doute par pauvreté comme un certain nombre d’autres troubadours. D’après la cobla qui lui est consacrée dans la galerie satirique du Moine de Montaudon (entre 1194 et 1199), il était déjà connu sous ses traits essentiels :
 
Ab Arnaut Daniel son set
Qu’a sa vida be no chantet
Mas us fols motz c’om non enten.
Pois la lebre ab lo bou chasset
E contra suberna nadet,
No val sos chanz un aguilen.
 
« Avec Arnaut Daniel cela fait sept, lui qui toute sa vie ne chanta que des mots fous que personne ne comprend, chassa le lièvre avec un bœuf et nagea contre le courant. Son chant ne vaut pas un liard. »

    En revanche, son nom n’apparaît pas dans la galerie de Pèire d’Alvernhe, datée de 1170, ce qui pourrait prouver qu’il n’était pas connu à l’époque, ou au moins qu’il n’avait pas encore atteint sa célébrité. En le faisant naître vers 1150, on ne doit pas être trop loin de la vérité.
    D’autre part, l’allusion qui est faite dans la tornade de la chanson XI au couronnement de Philippe Auguste à Étampes (1180) permet de fixer sa date de production entre 1180 et 1195. Il était le contemporain et sans doute l’ami de Bertrand de Born, à qui il dédie une de ses chansons sous son nom propre (III) et sous le senhal de Desirat (XVII). On ne sait pas grand-chose sur ses « déplacements » : il nous dit avoir fréquenté de « bonnes cours » (XIV), il aspire à se retrouver à la cour d’Aragon (VIII), et assiste en France, à  Étampes, au sacre de Philippe-Auguste…
   
Vida 

        
    Arnaut Daniel était de la contrée d’où était originaire Arnaut de Mareuil, de l’évêché de Périgord, d’un château qui a pour nom Ribérac, et c’était un gentil homme. Et il apprit bien les lettres et se fit jongleur, et se délectait à composer en rimes difficiles, car ses chansons ne sont pas faciles à comprendre ni à apprendre. Et il aima une grande dame de Gascogne, épouse du seigneur Guilhem de Bouvila, mais on ne crut pas qu’elle lui fît plaisir en droit d’amour, parce qu’il dit :
 
            Je suis Arnaut qui ramasse le vent
            Et chasse le lièvre avec un bœuf
            Et nage à contre courant.