Les
vivants – mais qui sont-ils ? – prétendent que tout
cela est trop personnel. Ils pensent que tu n’es pas leur soeur,
et que ces mots sont nos affaires.
Mais pourquoi, dès lors, restent-ils la gorge nouée ?
Le regard perdu
dans le reflet de tes cheveux noirs
lisses
comme ces anges
qui ne laissent pas de trace
mais des apparitions.
Article :
"La séparation, qu’elle soit due à la mort ou aux brisures de la vie,
est souvent un élément déclencheur de l’écriture, au risque de
l’effusion, de l’épanchement trop personnel. Écueils parfaitement
évités par Baptiste Pizzinat qui évoque dans ce livre le décès de sa
sœur à l’âge de 12 ans. Une réussite qui s’explique par le recul du
temps J’aurais pu –dû- venir te dire
au revoir, assister, comme tout le monde, à ton enterrement. Mon jeune
âge a fait que l’on m’a épargné cela…, mais aussi et surtout par
la qualité d’une écriture qui affine l’émotion pour mieux la partager.
Baptiste Pizzinat, né en 1982, n’en est pas à son coup d’essai, il est
vrai.
Et les mots sont pareils aux coquelicots sur le bord du chemin : rouges. Un chemin de mots rouges que l’on emprunte avec un sentiment fraternel dans le plaisir de la lecture, même si Douze ans / c’est déjà haut / pour se jeter du petit pont de l’être.
Et lorsque l’auteur pense à elle Alors que nous / sommes affairés / à
sauver les meubles / de notre petit monde / étouffant, nous comprenons
qu’il puisse écrire Pour te voir, j’apprends à voir plus loin. Au-delà de la sœur. Et du nom. Au-delà de tout.
Qu’il évoque la maison d’enfance, une lecture, les jeunes avec qui il
travaille, le regard est poétique. Un très beau petit livre, écrit sous
le signe de la mort, mais avec de l’encre pour consoler les vivants, sur leurs petits carreaux."
Philippe Mathy
Le Journal des Poètes, 4/2017, 86e année, p. 95.