Thomas Kinsella

Le Messager et autres poèmes

poèmes traduits de l'anglais (Irlande) par
Joëlle Cros, Michèle Duclos, Michael Scott, avec le concours de Jean-Paul Blot

édition bilingue
110 pages
Prix : 15,24 €
ISBN : 2-85792-125-X

Le Livre

                         Aogán Ó Rathaille sentit leurs forces se rejoindre
                          au rivage de la mer de l’Ouest
                          – l’énergie du chaos et une contre-énergie
                         qui se façonne dans les affres de l’équilibre ;
                         la tempête qui gémit dans les terres, loin des eaux
                         éveille une voix qui répond dans sa tête

    Né en 1928, Thomas Kinsella est considéré comme l’un des grands poètes irlandais contemporains. Tout d’abord fonctionnaire au Ministère des Finances, il se consacra très jeune à la poésie et publia son premier recueil de poèmes à l’âge de vingt-quatre ans. Élu en 1965 à l’Académie des Lettres d’Irlande, il fut invité, la même année, comme poète en résidence dans une université américaine et commença alors une nouvelle carrière. Il enseigna vingt ans à l’université Temple de Philadelphie, avant de se retirer définitivement en Irlande dans le comté du Wicklow.
    Écrivain, professeur, traducteur – il a traduit des poèmes gaéliques du Moyen Âge, en particulier la célèbre épopée The Tain – Thomas Kinsella fut aussi éditeur : il dirigea The Dolmen Press, puis fonda en 1972, la Peppercanister Press. En 1986, fut publié sous sa direction le New Oxford Book of Irish Verse, aux éditions Oxford University Press.
 
    Ce recueil va permettre de faire connaître un poète, trop peu traduit en français, dont John Montague a dit qu’il est un « poète lyrique irlandais croisé de prophète hébreu ».
 

 Extraits d'articles de presse :
      
    "Thomas Kinsella, né en 1928, est sans doute le doyen des poètes irlandais mais, malgré l’ampleur et la qualité de son œuvre, malgré le rôle éminent qu’il a joué dans la vie Culturelle et le monde de l’édition, sa renommée n’atteint pas celle de son contemporain John Montague. Le présent recueil bilingue est donc le bienvenu à plus d’un titre. Les dix-huit textes rassemblés ici couvrent la période 1973-1990 en esquissant la courbe de l’évolution d’une écriture. Ils s’appuient pour la plupart sur la vie intime de l’auteur; profondément mêlée aux problèmes sociaux de son temps : la maladie de l’aimée (« Phoenix Park »), la figure de la grand-mère à ses derniers moments (« Tear »), celle du père mort en 1976 (« The Messengcr »), un instant de volupté (« Muse on my mattress »), la félicité domestique (« The Laundress »). De grandes ombres illustres sont convoquées, Aogan o Rathaille (« At the Western Ocean’s Edge » ), Jack Yeats, De Valera, (« The last ») : elles font aussi partie de ce quotidien où une thématique souvent sombre – incommunicabilité, souffrance, violence – compensée par les formes de la beauté et de l’amour fournit au poète ses trouvailles les plus belles et les plus surprenantes. La poésie de Kinsella, souvent visionnaire, est exigeante, elle ne se rend pas facilement. Les traducteurs ont bien eu conscience de son mystère, dont ils ont su respecter les promesses et la fécondité. Une introduction brève mais précise et des notes succinctes encadrent ce petit volume à qui on souhaite un succès mérité. Bien vivant, Kinsella continue d’écrire (TheFamiliar, Godhead, 1999) – qu’on se le dise ! – et fait l’objet d’une récente et savante étude de Derval Tubridy (Thomas Kinsella : the Peppercanister poems, UCD Press, 2000)."
 
                                                                                              Claude Fierobe
                                                                  Etudes irlandaises, automne 2001


     "Les éditions Fédérop ont été les premiers francophones à entreprendre la traduction des poèmes de Thomas Kinsella, figure reconnue et importante de la littérature irlandaise, et, au-delà, de la littérature anglophone contemporaine. Ce volume bilingue, sobre et beau, propose une quarantaine de poèmes, dont quelques longues pièces, qui aideront le lecteur à se laisser glisser dans une œuvre qu’on peut qualifier de profondément irlandaise, du fait de l’heureuse synthèse qu’elle propose entre lyrisme et naturel, au service d’un réalisme touchant, quotidien, magnifié par une attention sensible aux détails et à leur combinaison mythique dans des jeux d’ouverture au monde et de fermeture sur une sphère intime, qui n’est pourtant jamais misérabiliste ni ne suinte inutilement de guimauve.
    […] Face à tous les poètes qui s’évertuent à décrire et à dire, la recherche que fait Kinsella de la sensation vraie, profonde, de celle qui réveille le mythe en chaque lecteur, est une œuvre utile, lumineuse et rafraîchissante. Le travail des éditions Fédérop, exigeant et sensible, mérite d’être connu et salué.
 
                                                                                             Jean-Luc Breton
                                                        Le Mensuel littéraire et poétique, n° 302
   


                                                        Thomas Kinsella
                                                        au bout de la nuit
"C'est un poète irlandais immense, et ce pendant à peu près inconnu en France, que les excellentes et courageuses édi tions fédérop nous ont permis de décou vrir avec la publication bilingue du Messager. Né en 1928, Thomas KinseIIa n'est certes pas de ceux qui dorent la pilule de leurs lecteurs. Son univers inté rieur (et extérieur) est en effet frappé au sceau d'un pessimisme ontologique qui n'est pas sans rappeler, par instants, les chants les plus sombres de Leopardi. Ses poèmes, aux strophes admirablement ci selées, nous plongent au cœur d'un monde promis à la plus infâme dégrada tion physique et morale, sans espérance de salut, voire de sens. On pourra aussi songer à cette «terre vaine» dépeinte avec effroi par T.S. Eliot, ou encore à cer taines images atroces, cruelles et déses pérément désenchantées de Gottfried Benn. S'il croyait en Dieu, ce qui n'est plus le cas, nous verrions volontiers en Thomas KinseIIa une manière de cathare celte : à l'écouter (car ses poèmes doivent être entendus autant qu'être lus), le monde du vivant paraît avoir été créé par le Mal et pour le Mal – pour la douleur et le chagrin. Parfois même, le poète semble avoir atteint le stade où les larmes ne peuvent plus, ne savent plus couler. Et pourtant, ce n'est pas là indifférence ou détachement de sa part, bien au contraire. Parce que Le Messager mani feste envers les déshérités, les humiliés et les affligés une compassion infinie, que l'on aimera à qualifier de «chrétienne» tant il est vrai qu'on ne quitte pas la foi, en Erin, sans en garder des stigmates... Parce que, chez Thomas Kinsella comme chez Céline, le «voyage au bout de la nuit» est quand même quête de lumière, fût-elle chimérique et vouée à l'échec. Parce que la tragédie de l'Irlande lui inspire des vers d'une concision incan descente, tels ceux où il évoque la pré sence quasi légendaire d'Eamon De Valera et de Jack B. Yeats, ce très grand peintre expressionniste, frère de William B. Yeats, dont les tableaux flamboient de l'argent des chevaux-fantômes perdus dans la lande... "    
                                                                                             Michel Marmi
                                                                                        Contrelittérature N°7