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Chant de la Vielle
Prose et poésie occitanes dans le Bergeracois
édition préparée par Jean-Claude Dugros et Bernard Lesfargues
260 pages
Prix
: 20,00 €
ISBN : 978-2-85792-223-0
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Le Livre
Si je me sépare d’elle, eh ! que ferai-je ?
Et si je demeure, je ne le sais pas plus.
Hier je l’aimais bien ; aujourd’hui deux fois plus.
Ainsi ne fait que croître mon inclination.
Si’m part de lieys, e ! que faray ?
E si remanh, tan pauc o say.
Ben l’amav’ier ; huey l’am dos tans :
Aissi’s vai doblan mos talans.
Des troubadours à nos jours, l’écrit occitan
en Bergeracois a traversé près de mille ans. Les maillons
de sa chaîne de transmission, affaiblis parfois par le combat
mené par le Pouvoir central et les classes
hégémoniques, relancés lors de périodes
plus favorables, ont toujours gardé leur vigueur, assurant, au
cours des siècles, la pérennité de la
poésie et de la prose en langue d’oc.
Depuis les textes tirés des Jurades de la ville de Bergerac,
l’occitan, n’étant plus enseigné, est
passé lentement de l’écriture savante à la
transmission orale, puis à une semi-clandestinité.
L’époque moderne a vu se produire un mouvement de
renaissance. Amorcé par le Félibrige (1854), amplifié par l’Institut d’Études Occitanes
(1945), il s’est accompagné d’une prise de
conscience des intérêts spirituels et matériels de
l’Occitanie.
Cette anthologie de vulgarisation, choix de textes et
d’auteurs représentatifs des diverses époques,
panorama de la langue et de la littérature d’oc en
Bergeracois, nous fait découvrir des poètes et des
écrivains dont la plupart sont estimables et quelques-uns du
meilleur niveau. Tous constituent un jalon indispensable à la
connaissance de la culture d’oc.

Jean-Claude Dugros et Bernard Lesfargues
Article :
Il y a beau
jeu que la sociologie de la littérature a établi la
dépendance de cette dernière à
l’égard des conditions historiques tant de sa production
que de sa réception. Aussi bien l’historien a-t-il appris
à questionner l’œuvre de fiction, source jadis
suspectée d’ambiguïté, comme il interroge
aujourd’hui la langue, ou l’esthétique. Les
productions immatérielles n’en sont pas moins sociales,
dont l’histoire éclaire notre présent.
On se félicitera donc de disposer
désormais pour le Bergeracois, à l’instar
d’autres terroirs, d’une anthologie commode,
complète et bien conçue de dix siècles
d’expression et de création littéraires dans la
langue autochtone, de la lyrique médiévale
troubadouresque aux auteurs d’aujourd’hui. Trajectoire
(chrono)logique mais développement singulier car ici les auteurs
les plus marquant sont les contemporains. Le plus connu, qui inscrit
définitivement langue régionale dans la modernité
poétique et lui confère une audience
s’étendant bien au-delà des limites occitanes,
n’étant autre que l’hispaniste et traducteur B.
Lesfargues.
C’est non seulement la longue
continuité de cette production que l’ouvrage documente par
le choix de ses plus belles pages en vers ou prose avec la traduction
française en regard, mais aussi la profonde adéquation du
véhicule linguistique d’oc à l’expression
fictionnelle de l’habitus périgord. Il y a donc
matière à réflexion pour l’historien
d’un ‘pays de l’homme’, qu’il soit ou non
occitanisant, et spécialement l’historien des faits
littéraires, qui peut y prendre la mesure de
l’écriture, sans souci d’école, au ras des
motivations qui la font vivre et partager.
Cette gerbe cueillie dans le
‘chant’ de la langue conjugue la saveur et l’esprit.
Christian Bonnet
Bulletin de la SHAP
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