"Le monde est au plus bas, la terre, la nature est tuée. Le temps,
comme un pouls d'agonie, s'accélère et bat dans le vide. L'espace est
déchiré. On peut voir de partout cette double brisure, la verticale des
fusées, l'horizontale des franchisseurs de son, parcourue par le feu,
tracée par le poison comme une croix vivante de la mort. Le signe est
dans le ciel. L'air que nous respirons est en agonie ; les espèces
vivantes dans le règne animal, le règne végétal, dans le règna minéral
même sont en agonie et beaucoup déjà ont disparu, laissant des trous
irremplaçables, des hiatus et du chaos dans la pyramide évidente de
l'équilibre et de l'enchaînement des choses. l'humanité est en agonie,
à la fois comme sentiment et comme idéal, à l'intérieur de chaque être
humain, dont on dirait qu'il s'est mis, tout au bout de sa rage
pusillanime, à s'enorgueillir désormais de son ignorance et à
s'interdire le respect de la vie dont il vit."
Armel Guerne
(1911-1980)