Gösta Ågren

Une vallée dans la violence


Poèmes traduits du suédois (Finlande) par Christina Thorn

édition bilingue

160 pages
Prix : 16,00 €
ISBN : 2-85792-156-X

Le Livre 

      Gösta Ågren, poète finlandais de langue suédoise, est natif d’Ostrobothnie sur la côte ouest de la Finlande ; une province très authentique, terre de cultivateurs, pays de grandes plaines mais aussi de forêts et de mer. C’est peut-être justement cette authenticité du milieu d’origine qui a donné à l’œuvre de ce poète sa profondeur. Gösta Ågren est en effet le maître de la phrase poignante (« la vie et la mort sont les deux ailes / du même oiseau »), de l’image qui frappe (« …entre / les arbres noirs nous apercevons / les larmes scintillantes / du fjord ensoleillé »). C’est aussi un justicier (« la vie n’est pas / le bout de pain / jeté au mendiant, / mais le pain / qu’il nous rend »). Mais surtout c’est un homme qui tâche de dévoiler la vérité sur l’existence ; il explore les réalités de la guerre et de l’histoire, dépeint avec dévotion la nature nordique, flâne dans le fantastique, l’impalpable et l’extraordinaire. Il est également d’une conscience tranchante envers la poésie, valeur de sa propre vie : « … Raconter / une chose, c’est la réduire en paroles, / c’est éteindre la nudité éblouissante de la vie./ C’est par ce moyen que j’ai survécu. »

Article de presse :

    Avec ce recueil de poèmes bilingue, les éditions Fédérop nous permettent de faire un peu mieux connaissance avec l'univers et la manière de Gösta Ågren (Finlandais d'expression suédoise, né en 1936). Le monde qu'il nous propose est plein de paradoxes, com plexe, difficile à identifier, à formuler, ambigu, double, comme l'exprime un texte justement intitulé Affirmation :
                    « Si les définitions étaient possibles
                    personne n'aurait besoin de les formuler,
                    mais chaque propos se termine dans le silence
                    et la vie et la mort sont les deux ailes
                    du même oiseau. »
   

    Plus loin son Autoportrait tardif' ne dit pas autre chose, car naître, c'est se faire condamner à mourir. Alors pourquoi faire quelque chose de sa vie ? Bien sûr, tout est vain, mais :
                    « Ce n'est pas du pessimisme de semer
                    dans le désert ! Bien sûr, c'est du sable
                    qu'il sème, mais il pense en le faisant :
                    ce serait dément de semer
                    du blé sur un terrain aride où
                    rien ne pousse. Le sable
                    ne peut pas germer ; c'est donc du sable
                    qu'il faut semer dans le désert !

    Gösta Ågren constate que nos connaissances sont chaque jour plus vastes, mais que notre ignorance progresse au même rythme, que des « cantiques de lumière coulent à flot par les vitraux » alors que « la nuit tombe, les yeux s'éteignent ». Que faire dans ce monde de paradoxes où « il est difficile de se défendre contre la violence d'une caresse » et où « le chagrin est notre moyen de nous rappeler la joie » ? Que faire dans un univers où « la décision de demeurer sur place, c'est aussi un départ » ? Faut-il continuer à vivre dans un entourage hostile et faux, « continuer le mensonge, puisqu'il reflète la vérité » ? Incontestablement le poète a choisi de vivre, du moins il essaye d'apprendre à vivre, tout en étant conscient que, de cette simple tentative, certains en meurent. Vivre une vie, même mal faite, encore et toujours. Encore, comme le titre du poème suivant :
                    « Les enfants attendent
                    l'avenir, les adultes
                    attendent les vacances. Les
                    vieux rêves de
                    l'enfance. Ils se souviennent de
                    l'avenir. »

    Mais s'agit-il vraiment d'un choix ? En tout cas, il dresse un bilan intermédiaire dans La cinquantaine :
                    « Non, je ne choisis plus rien.
                    Ce qui m'arrive, c'est mon choix.
                    Toute résistance est écrasée. Ni
                    Ma vie ni ma mort ne peuvent arrêter
                    Ce parcours qui m'entoure
                    Et me protège. J'ai été choisi. »

    Mais choisi par qui ? sinon par lui-même ! Bref voilà quelques pistes qui sont loin d'épuiser Une vallée dans la violence, recueil bien fait et dont on peut apprécier a posteriori un titre en parfaite adéquation avec le contenu du livre.                                                                                
                                                                                            Denis Ballu

                                                                Lettres nordiques, 2004-2006, 2007