« Entre l’impossible rapport à un monde qui survit
dans la langue comme une mémoire désormais
clôturée (le dialecte, comme lien au « pays »)
et l’éclatement infini des mots, que l’on rassemble
dans leur dispersion même, pour leur étrangeté
encore quelque part familière, cinquante années de
poésie occitane disent la finitude (et non la fin) d’une
langue longuement rêvée et esquissent à
l’envi toutes sortes de reconstructions individuelles. Les mots
sont proches, concrets, chargés de leur poids de
proximité intime, mais ils sont également lointains,
détachés, déjà privés de sens
quotidien et de légitimité. Les grandes constructions
poétiques d’un Manciet, d’une Delpastre, d’un
Delavouët, d’un Nelli, d’un Max Rouquette
(construction en creux dans son cas : la longue quête du
Maucòr de l’unicòrn est comme
déroulée autour d’une absence depuis longtemps
mûrie et aimée d’amour) sont des fictions
linguistiques totales (comme on parlerait de spectacle total), des
dérives décrochées du réel où la
perte se fait rachat définitif.
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