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Gabriel Mwènè Okoundji
Prière aux ancêtres
(Prix PoésYvelines 2008)
édition bilingue français-occitan
version occitane de Joan-Pèire Tardiu
128 pages
Prix : 18,00 €
ISBN : 978-2-85792-179-0
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Le Livre
« Ce que les Occitans entendent dans la poésie
d’Okoundji, c’est tout simplement la force et le souffle
d’une langue qui monte du plus profond d’une terre,
d’un peuple, et qui, au terme d’un parcours
millénaire, aboutit à cette profération
essentielle à hauteur d’univers... Y a-t-il,
aujourd’hui, beaucoup de poésies plus universelles que
celle-ci, issue de la terre de Mpana, au Congo, – celle
d’un poète qui, au rythme du cœur ancestral, avance
“dans les dimensions du monde” ? »
J-P. Tardiu
Avec pour bannière les mots de la conteuse
Ampili mêlés de ceux du vieux sage Mpampou, le
poète chemine au fil de ses publications, dans une profonde voie
où la parole devenue lanterne, féconde la lumière
qui aide à la traversée des sentiers de l’existence
et ce faisant, vivifie l’esprit de tout mortel qui
l’entend. En effet, nous dit Gabriel Mwènè
Okoundji, c’est par la parole poétique, inspirée ou
initiée, que pénètre la lucidité dans
l’âme humaine. Dans la démarche singulière de
l’auteur, il est question d’une poésie
d’initiation héritée de sa lointaine terre natale
et qui consiste à observer une parole dans ce qu’elle
révèle de souffle, entre le signe et le symbole, entre le
chant et le pleur, entre le conte et la légende,
c’est-à-dire, entre la métaphore et
l’énigme, en d’autres termes, entre l’aube et
le crépuscule.
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Ce recueil a été traduit par Peter Figueroa
et publié en version bilingue français-anglais en avril 2013
par les éditions Books of Africa à Londres
Peter Figueroa est né à Kingston (Jamaïque) en 1936.
Après avoir étudié et travaillé à
Rome, Louvain, Paris et Londres, il enseigna dans des
universités aux Antilles, en Australie et en Grande-Bretagne. Il
finit sa carrière en tant que Chef du département de
l’Education à l’Université de Southampton dix
ans avant sa mort en août 2011. Professionnellement connu pour
ses travaux sur la sociologie de race et l’éducation
multiculturelle,
Peter était aussi poète et traducteur de poésie.
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Des extraits de ce recueil ont été publiés en finnois, traduits par Jyrki Kiiskinen
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À l’occasion
de la remise du prix PoésYvelines 2008 –
Théâtre de Villepreux 15/11/08)
Allocution de Salah Stétié
SALUT À UN MAÎTRE FÉTICHEUR
Le
poète que nous couronnons aujourd’hui n’est pas un
poète du dimanche. C’est un poète fondé en
poésie, un poète de l’Afrique, mais aussi un
poète de l’universel, inscrit dans la lignée de
Senghor et de Césaire. Un poète à qui les choses
viennent naturellement comme des chèvres empressées
à l’appel du chevrier pour prendre place naturellement,
c’est-à-dire magiquement, dans ses mots. Dans ses mots ?
Les mots n’appartiennent à personne. Les mots
dépassent la poésie et jusqu’au poète
lui-même. Les choses, les êtres existent pour
eux-mêmes et pour la vie, même si leur destin est
d’être repris par le silence, qui est un avant-poste de la
mort. Mais pour le poète panique qu’est Gabriel
Mwènè Okoundji, la mort n’est pas la mort : elle
est, dit-il, « mémoire du sable ». Il dit encore :
« La vie existe là où la mort ne peut finir.
» Je cite, pour mon plaisir – qui est intense :
Toute parole est parole et toute parole est nombreuse
un lézard portant un papillon, cela est une parole
un coq appelant une poule, cela aussi est une parole
le hibou chantant sa mélopée à la nuit, cela est encore une parole
la parole n’a pas de père, pas de mère, pas d’ancêtres
elle est immortalité divine, grossesse et enfantement miraculeux
elle est esprit du vent : aucun mortel ne peut donner rendez-vous au vent !
Poésie sapientiale que celle dont je parle, poésie
nourrie de la sagesse des ancêtres sur cette terre
d’Afrique qui a vu naître, une fois, le premier homme et la
première femme. La Prière aux ancêtres de Gabriel
Mwènè Okoundji peut-être raconte-t-elle, à
travers les torsions, les distorsions, les apaisements et les
craquelures d’une terre travaillée comme un visage, la
légende d’une race et une chanson de
l’épopée de l’espèce. Remontant ainsi
jusqu’à ce premier couple qui inventa, entre autres, la
parole que nous parlons et qui, quelquefois, parle à notre
place, dans la voix venue des ancêtres, dans celle venue de toute
parenté proche ou lointaine, dans la voix qui filtre des
ruisseaux et des plantes et des arbres, dans ce que disent en leur for
intérieur, pour que le « féticheur » nous les
rapporte avec ses propres mots, fussent-ils approximatifs, toutes les
créatures plus ou moins parlantes ou muettes, muettes ou
parlantes, des fourmis aux panthères.
Gabriel Mwènè Okoundji porte en lui sa parcelle
précieuse de terre natale, cette terre de Mpana avec son arbre
Tégué, au Congo-Brazzaville, et cette terre lui est
garantie d’authenticité. Il peut aller dans tous les
bonheurs et les malheurs du monde, sous les astres et les
désastres, il saura toujours de science intime qu’il ne se
perdra plus. Comment peut-on se perdre quand on a en charge la
densité d’un sol nourri d’ancêtres et la
légèreté aérienne de ses récits ou
de ses mythes ? Gabriel sait qu’il n’est pas seul et
qu’autour de lui, en lui, il recèle, noir ou blanc, le
destin de chacun, puisque, selon ce qu’il en dit, « le
poète, comme tout artiste authentique, est un initié
[...] ». Ou bien. comme l’avait dit Mallarmé avant
lui, que c’est la poésie qui « doue
d’authenticité notre séjour ». Je laisse donc
à Gabriel, à ce poète que je suis heureux de
saluer fraternellement, le dernier mot, les magnifiques derniers mots :
– Et ton pas
dans la danse
en cette journée blanche du soleil noir vers quels nobles sentiers
sa destination ?
– De quel cri
de quelle verticalité ces propos toujours errants ?
n’oublie pas
jamais bouche ne cache au ventre
la prospérité de sa joie
à l’Homme de dire à l’Homme
l’odeur des bruits des choses
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