Susanna Rafart

Moulin en flammes
et autres poèmes toulousains


poèmes traduits du catalan par Jean-Yves Casanova
édition bilingue

144 pages
Prix : 15,00 €
ISBN : 2-85792-165-9


Le Livre

           Invente maintenant le calme qu’ils ne te donnent pas
                joncs dressés qui demeurent splendides dans le vert
                entravé par l’eau : regarde comme se perd
                la force fragile des ombres qui les confondent
 
        Moulin en flammes est le premier recueil de poésies de Susanna Rafart traduit en français. Cet ouvrage reprend des œuvres antérieures, notamment des poèmes écrits lors d’un séjour à Toulouse et des sonnets inspirés par la lyrique troubadouresque. L’univers poétique de Susanna Rafart s’adresse à un lecteur unique, un interlocuteur que n’effraient pas les nécessités premières de l’écriture. Ce monde se dévoile en formes polyphoniques, proses, poèmes courts, sonnets et témoigne d’une extrême attention aux mouvements quasi imperceptibles : eaux dormantes, algues, feuilles bruissant dans le vent, statues brisées, fers rouillés... Seul l’amour apparaît, dans ce monde désorganisé et dévasté, comme la seule issue, l’unique salut auquel les hommes sont promis, mais un amour où douleurs et peines voisinent avec la joie, la plus grande joie du désir comme présence et sensation d’être au monde. Susanna Rafart, dans cette exigence poétique qui tient lieu de force intérieure et d’expression des voix profondes que seule la poésie permet de révéler, donne à l’écriture cette dimension unique et cathartique, empreinte d’une existence que le temps ne peut effacer.
 

Article de presse :

    Susanna Rafart est l'un des poètes importants de la Catalogne d'aujourd'hui. Ce livre présente, en bilingue (traduction française de Jean-Yves Casanova), plusieurs de ses recueils, tous en rapport avec l'Occitanie, la ville de Toulouse où elle a séjourné et surtout les troubadours. Parmi ces derniers, Jauffré Rudel et sa poétique de « l'amour de loin » occupent une place particulièrement importante chez notre auteur : amour d'une absente, menacé de sécheresse et de désespoir (« pour un bien qui m'en échoit/J'ai deux maux car tant m'est de loin », disait le troubadour blayais), amour par le détour du poème et de ses contraintes, amour cependant vivifiant qui seul éclaire le quotidien désespoir. Comme en témoigne l'exemple de la gare Toulouse-Matabiau :
 
        Très vite, un lieu désagréable
        En ces heures rudes,
        Peut se transformer en foyer. Une horloge,
        L'allée, quelques rues,
        Un canal ombragé,
        Les bâtisseurs d'une grande bibliothèque
        Sur le point de déjeuner,
        Et, dans la poche de l'abri,
        Parmi toutes choses infimes, vôtres,
        Les vers soulignés d'un livre.
 
    Susanna Rafart a recours à des formes poétiques diverses : vers libres, sonnets, proses poétiques de longueur variable. L'unité de la voix et du questionnement, de l'auteure donnent cependant à ce livre une forte cohérence. Un même espace intérieur s'offre, à demi (ou un peu plus qu'à demi parfois...) voilé-révélé par la tension que le texte organise entre ses images, ses rythmes et ses références :
 
    Âme close en toi vivier d'anguilles farouches, elles dévorent à ta guise les raides branchages de la vie qui s'efface sans printemps. Elles essaient de te faire une place dans la forme sauvage qui illumine le temps. Elles apprennent à ma dette inutile à rouler les chants des galets millénaires : elles résident ici tandis quej'élève mes chansons.
 
                                                                                   Emmanuel Hiriart

                                                  Poésie première, n° 37, Mars /Juin 2007