Miquel Àngel Riera


L'Île Flaubert


roman traduit du catalan par
Denise Boyer et Núria Oliver

(Grand Prix des Îles du Ponant (Ouessant 2003)

232 pages
Prix : 18,00 €
ISBN : 2-85792-143-8


Le Livre

    C’est alors qu’il se jeta à la mer et se mit à nager vers l’Afrique, où le rythme du temps, avait-il souvent entendu dire…
 
    Comment un célibataire timoré, professeur de littérature en mal de reconnaissance officielle, a-t-il pu en venir à vivre en solitaire sur une petite île majorquine, rebaptisée Île Flaubert par référence à son projet personnel, aussi ambitieux que la construction d’une œuvre d’art ? Au fil d’un récit à la fois lacunaire et répétitif, revenant constamment sur le passé du personnage, on apprend bien vite que c’est la découverte du pouvoir destructeur du temps, à l’occasion de la mort de sa mère, qui l’a amené à rompre avec les conventions sociales et les commodités matérielles pour adopter ce mode de vie peu commun. Se passant pour ainsi dire de sommeil, ne se rendant au village côtier que pour se ravitailler et satisfaire ses besoins sexuels, il pense duper la mort en étirant le temps à l’infini. Et lorsqu’il prendra conscience de sa dégradation physique, il imaginera encore, à l’intérieur d’une autre logique dérisoire, un moyen d’échapper à l’inéluctable.
    Biographie d’un « homme zéro », L’Île Flaubert évoque en toile de fond une société majorquine comme intemporelle, aussi peu touchée par les événements historiques que par l’invasion touristique : pêcheurs bornés, aristocratie décadente, bourgeoisie pétrie de conformisme.
 
 

Allocution de Raphaël Confiant, président du jury, lors de la remise du prix :       

    “Ce texte magnifique, traduit du catalan, a fait l’unanimité du jury tant par son écriture que par les résonances philosophiques dont il est porteur. Il s’agit, en effet, du rapport d’un homme et d’une île. D’un homme qui exerça longtemps le métier de professeur de littérature et qui en est venu peu à peu, inexorablement, à se détacher de ses semblables.
    Détachement tel que le laissent indifférent le décès de sa mère et de proches parents, leur maison familiale qu’il vend sans états d’âme, les femmes avec lesquelles il entretient un rapport de pure consommation.
    Cet homme-là était mûr pour s’éprendre du deuxième personnage principal du roman, cet îlot désert situé à quelques encablures d’un port où vivent des pêcheurs frustres pour lesquels le professeur est un individu étrange. Tout l’art de Miquel Àngel Riera consistera à nous faire vivre de l’intérieur la lente appropriation de l’île par ce dernier.
    Il y aura d’abord, comme dans une parade amoureuse la lente approche des corps : celui de l’île d’abord avec sa petite crique, sa caverne aux pigeons, les ruines d’une maison, son minuscule jardin ; celui de l’homme ensuite qui, au contact du minéral et du végétal, sentira la vie battre en lui et découvrira une dimension inédite du temps. Ici, on comprend que ce roman est une réflexion sur la mort et sur la difficulté qu’éprouve chacun d’entre nous à l’apprivoiser. Sur l’île, le temps s’étire, se dilate, le rythme de la vie humaine finit par s’accorder à celui de la vie minérale et végétale jusqu’à n’en faire plus qu’un. Nous sommes aux antipodes d’un Robinson Crusoé pour qui l’île est un espace hostile qu’il s’efforce de domestiquer. Ce qui fascine le professeur dans l’île Flaubert, c’est que personne n’y est jamais mort, c’est que la mort ne l’a pas souillée.
    C’est surtout qu’il peut y atteindre, par la maîtrise du temps, un stade quasiment extatique de l’existence. L’écriture très maîtrisée de Miquel Àngel Riera nous y conduit, nous aussi lecteurs, pour notre plus grand ravissement.”              


Article de presse :

            L'insularité en belles Lettres
 
 
    Face aux 681 romans qui sortent à la rentrée, « L'île Flaubert » est un marginal. Édité par Fédérop en avril 2003, une toute petite maison d'édition, il est une oeuvre littéraire. L'auteur, aujourd'hui mort, est majorquin et avait écrit en catalan.
 
    C'est le lot des petits éditeurs. On en parle peu ou seulement lorsqu'ils sortent un livre phare. C'est le cas des éditions Fédérop. Basées en Dordogne, elles vont jusqu'à huit publications dans les bonnes années, trois dans les mauvaises. Cette année, un de leur livre, publié en avril dernier, a reçu le grand prix du livre insulaire au salon d'Ouessant. « L'île Flaubert » est un roman de Miquel Angel Riera, homme de Lettres majorquin.
 
    L'histoire se situe sur une île majorquine. Un homme, professeur de Lettres, décide de s'y isoler à la suite d'un drame, la mort de son fils. Il souhaite se détacher du monde, échapper au temps, à la mort. L'écriture est méticuleuse.
 
    Miquel Angel Riera, l'auteur, est décédé en 1996. « L'île Flaubert », édité six ans auparavant en langue catalane connaît un vif succès dans le milieu hispanophone. « C'est l'office culturel du gouvernement majorquin qui nous a contactés pour publier en français le roman, précise Bernadette Paringaux, éditrice. Nous avions déjà été sollicités par eux pour un premier roman. » Les éditions Fédérop travaillent depuis longtemps à la publication, en français, de livres de langue minoritaire. Bernadette Paringaux et Jean-Paul Blot n'hésitent pas.
 
 
                                                                                                    Caroline HERVÉ.
                                                                        Ouest-France du lundi 25 août 2003