Michel Beaupuy, qui commence sa carrière en 1771, en
qualité de simple soldat, ne parvient au grade de lieutenant
qu’en 1785. C’est la Révolution qui lui fournit
l’occasion de s’illustrer dans l’héroïque
défense de Mayence, puis en Vendée, où il se
comporte en pacificateur, et de nouveau en Allemagne. Lorsqu’il
est tué par un boulet de canon, au cours d’une
mémorable retraite dans la Forêt Noire, Beaupuy est
général de division. Ses soldats ramenèrent son
corps en terre française et l’armée de
Rhin-et-Moselle lui éleva un mausolée près de
Neuf-Brisach.
On a dit du général Beaupuy –
avec l’emphase si chère à l’époque
– qu’il était « le Bayard de la
République française ». C’est en tout cas un
personnage dont la ville de Mussidan et le Périgord tout entier
peuvent être fiers. Il mérite que son nom soit connu, ses
hauts faits et ses vertus sauvés de l’oubli.
Voici ce qu’écrivait, dans The Prelude (Liv. IX, v. 288-321), le poète anglais W. Wordsworth sur le capitaine Beaupuy dont il était devenu l’ami :
« Parmi ces officiers, il s’en trouvait un d’une
trempe tout autre. C’était un patriote, et pour cette
raison il était tenu à l’écart par le reste
et repoussé avec un mépris oriental, comme un être
d’une caste différente. Jamais il n’y eut sur la
terre un être de plus de douceur et de plus de bonté. Il
était doux, quoique enthousiaste. Les offenses ne faisaient que
rehausser sa bonne grâce, et c’était alors que sa
nature exhalait le mieux son parfum, comme ces fleurs du gazon alpestre
qui répandent leurs arômes quand on les foule aux pieds.
À travers les événements de cette grande
Révolution, il s’aventurait dans une foi parfaite, comme
à travers un livre, un vieux roman de chevalerie ou un conte de
fée ou un rêve d’actions accomplies derrière
les nuages de l’été. Sa naissance le mettait au
rang des plus nobles, mais il s’était attaché au
service des pauvres du genre humain, comme par un lien invisible, comme
par des serments prêtés à un ordre religieux. Il
aimait l’homme en tant qu’homme, et il avait pour les
petits et pour les obscurs, pour tous les humbles dans leurs plus
humbles offices, une courtoisie qui n’avait en rien l’air
de la condescendance. Elle ressemblait plutôt à de
l’amour ou à de la galanterie, aux hommages qu’en
ses heures oisives de soldat il avait naguère rendus à la
femme. Il était quelque peu vain ou semblait l’être
cependant, non, ce n’était pas de la vanité, mais
une vive tendresse, une sorte de joie rayonnante répandue autour
de lui, tandis qu’il se consacrait aux œuvres d’amour
et de liberté ou qu’il se retraçait complaisamment
les progrès d’une cause qui était la sienne.
D’ailleurs, cela même était doux et paisible et
n’ôtait rien à cet homme de ce qui charmait en lui.
»