Je jette la première pierre.
C’est
une nuée noire qui monte et qui me couvre.
Puis une lueur de sang.
Mon cœur dans ma gorge crève presque,
en lames, étincelles et éclats.
Je suis si près de lui, ma sœur.
J’aime ce que je fais.
Mais je n’aime pas la vie que j’ai,
et je n’aime pas la vie que je n’aurai.
Née
à Lisbonne en 1946, Eduarda Dionísio est un nom
significatif de la génération des créateurs
engagés dans le processus historique des années ‘70
au Portugal, marqué par la révolution des Œillets.
Professeur de l’ensei gnement secondaire depuis 1969, elle est
une artiste totale : peintre, écrivain, actrice, metteur en
scène. Dans les années 1980, elle fonde son propre grou
pe de théâtre, puis, en 1994, le forum alternatif culturel
Abril em Maio, avec une scène. C’est dans cette dynamique
que furent imaginés, en 1992, les monologues dramatiques
d’Avant la tombée de la nuit. Quatre grandes figu res
tragiques, Juliette, Antigone, Inès de Castro et
Médée, nous livrent leur passion dans des « paroles
» adressées au miroir, mais également à
l’être aimé, amant, nourrice ou frère. En
vers libres marqués par un rythme et des sonorités
parfois presque classiques, l’auteur confère une
expression d’une grande force poétique à
l’universel féminin.
La traduction de ces textes est issue du
spectacle-promenade, théâtre-ballet mis en scène
par Lídia Martinez au Centre culturel Calouste Gulbenkian
à Paris en mai 2003.