“Retranche l'année de ta naissance du millésime de
cette année que tu écriras à part sans penser
à la date. Quand tu pousses la porte et fais le premier pas
dehors, devant toi s’ouvre un vrombissement vert, cet immense
instant présent, que tu traverses une casquette trop
étroite sur la tête, sans savoir où tes pas te
portent. Tu es certain qu’on t’attend. Tu es certain
qu’on te ramènera à la maison. Tu franchis la rue
à grands pas, comme si tu ne savais pas combien
d’années tout cela durera. Comme si tu ne savais pas
à quelle vitesse tes habits pâliront sur tes
épaules.”
Jyrki Kiiskinen
“Malgré l’immense écart
dans le temps comme l’espace, Jyrki Kiiskinen pourrait se joindre
à nos poètes du Grand Jeu : formé au
réalisme le plus sincère, témoin lucide de
l’aléatoire comme du dérisoire des
destinées, conscient que seule la négation affirme la
différence et la conscience par l'interdit, il ne peut pas
s’abstenir d’écrire – dès lors il joue
de la langue et admet volontiers qu’elle se joue de lui.
Le mot lancé, le mot transcrit est chez lui
une épreuve physique, le mot se fait chair dès
l’instant où il s’est formé, et cette chair
est tout à la fois mémoire et avenir – mais il est
encore limite à la liberté comme aux désirs.
Rien n’est fortuit, rien n’est gratuit
dans les poèmes de Jyrki Kiiskinen, a fortiori dans
Aller-Retour, où Jyrki Kiiskinen est reparti de ses propres
notes et esquisses anciennes pour griffer en regard, quelques
années plus tard, la page qui déroule avec force et
beauté le poème qui a longtemps macéré dans
l’obscurité de son corps.
Entre ces deux relais du passé et de
l’instant, le lecteur découvre l’immense paysage du
plaisir poétique.”
Gabriel Rebourcet