36, rue de l’Argenterie
est le roman d’une double défaite : celle de la Majorque
républicaine tombée aux mains des phalangistes et des
soldats de Mussolini venus en renfort, et celle d’Ignasi et de
Nina, un vieux couple de xuetes (descendants de juifs convertis) pris
dans la tourmente de la guerre civile.
C’est le roman de la peur, de la
lâcheté et de l’impuissance : Nina ne songe pour
sauver sa vie qu’à complaire au nouveau pouvoir, «
il ne faut mécontenter personne si nous voulons survivre »
; Ignasi « le perdant de toujours » voit renaître
à la faveur de la guerre les persécutions contre son
peuple. C’est un vieil homme résigné et las qui, sa
vie durant, a subi toutes sortes d’humiliations et qui n’a
jamais été capable d’affronter autrui. Seuls son
travail de bijoutier et les pigeons qu’il élève sur
la terrasse de sa maison lui apportent quelque réconfort.
Parvenu à la fin de sa vie, il ne pense plus qu’à
mourir et en vient à désirer secrètement que la
ville de Palma qui, pendant des siècles, a humilié et
persécuté les siens, soit anéantie sous les
bombardements.