L'astre du Congo est d'ici

 

Gabriel Okoundji recevra en mars

le Grand Prix de la littŽrature d'Afrique noire.

 

            ÇBgles est un village. Je ne l'ai jamais vu que comme ˆ. Il me fallait cela pour me donner confiance. È Gabriel Okoundji dit cela dans un cafŽ de sa commune. Lieu de parole, o la sienne serait ˆ l'aise.

            En mars, il sera dans les salons parisiens du SŽnat ou de la Francophonie, pour recevoir le Grand Prix de la littŽrature d'Afrique noire, pour l'ensemble de son Ïuvre. Aprs FrŽdŽric Titinga PacŽrŽ (1982) et LŽopold SŽdar Senghor (1996), Gabriel Okoundji est le troisime pote seulement ˆ accŽder ˆ cet honneur depuis la crŽation du prix en 1962.

            On comprend que son discours de rŽception est en train de mžrir, ici, entre chocolats fins et brouhaha de bar. Il dira que le prix doit aller, Ç puisque j'ai pris le parti d'Žcrire de la poŽsie africaine È, ˆ Ç ceux auquel j'ai usurpŽ cette parole È. Ses anctres du pays TŽguŽ, au Congo, pays des Panthres. Il affirmera la place de la poŽsie en Afrique francophone, o beaucoup d'Žcrivains Ç sont allŽs vers le roman parce que c'est aller au plus grand nombre È.

 

Pote du TŽguŽ

            Il parlera de ceux qui l'ont fait Ç mwŽnŽ È, un r™le sacrŽ, dans sa rŽgion d'origine. Confiera peut-tre, en homme Ç qui ne croit pas aux hasards È, qu'il est distinguŽ au moment mme o il passe ˆ d'autres formes d'Žcriture. Il expliquera, ˆ coup sžr, qu'il n'est qu'un Ç apprenti-pote È, et cherche toujours Ç le cÏur des choses È.

            Et sans doute dira-t-il aussi comment on peut tre simultanŽment le pote du TŽguŽ, langue minoritaire d'un recoin du continent africain, et le psychologue-clinicien et enseignant de l'universitŽ de Bordeaux, vivant ˆ Bgles la vie de tout un chacun, depuis 1983.

            Il y est arrivŽ pour ses Žtudes, payŽes par un Congo alors plus ou moins communiste. Pas de hasard ? C'est ˆ Bgles. Okoundji est homme de parole et de fleuve, il s'installe au pays garonnais de la palabre. ‚a colle. Mais pas tout de suite.

            Ç J'ai longtemps ŽtŽ dans cette idŽe de la sŽparation d'un pays o je reviendrai un jour. Et puis je me suis rendu compte que les racines poussent lˆ o est l'arbre. Que la lune de mon pays, est la mme qui me donne ˆ Bgles la verticalitŽ. È Alors il a fini par ne plus rejeter la beautŽ d'un arbre de l'estuaire de la Gironde, de la fort landaise. Les a fait siens, donc Ç universels È. Et il se dit aujourd'hui non seulement pote bŽglais, mais aquitain. La poŽsie occitane la premire lui a fait sa place.

            L'Ïuvre poŽtique de Gabriel Okoundji est ponctuŽe de nombreux ouvrages et d'un Cd-rom distinguŽ par l'AcadŽmie Charles-Cros (il fait notamment rŽsonner sa voix et ses textes dans les parcs et les Žglises de l'agglomŽration bordelaise), est nourrie, dit-il, autant de sa vie d'ici que de sa tradition de lˆ-bas, qu'il retrouve souvent.

 

Regarder la lune

            Qu'est-il ˆ Bgles ? Juste un de ces voisins qui posent les tables du vid- greniers du quartier de Birambits. L'ami du fleuriste de l'Žglise et vice-consul honoraire du Congo. Et parfois aussi le pote qu'on invite ˆ un travail avec les Žlves et la Segpa du collge Pablo-Neruda. Il les amne ˆ Mussonville, leur apprend qu'on peut parler aux arbres. Ç Je fais le pote, mais c'est juste l'Žtiquette qui permet ˆ l'Žducation nationale de m'inviter. En fait, je crois qu'avec les jeunes, je suis plut™t le frre a”nŽ. J'en croise aujourd'hui dans la rue, ils me disent : monsieur, on regarde toujours la lune ! È Le doigt du sage continue d'Žcrire.